Je me suis rendu compte que depuis tout petit, je ressentais les choses, certaines choses du moins, d’une manière différente. Une conscience un peu tardive de l’importance de l’instant vécu. Une respiration ou deux, rarement plus, quelques secondes d’une absence béate me reviennent une seconde, un jour, un an après. Une musique. Un parfum.

Ces moments ont de l’importance. Pas pour vous (ou pas encore). Mais pour moi.

Confondre égoïsme et égotisme serait un écueil malheureux.

Égotisme n’est pas un synonyme d’égoïsme – l’égoïsme en constitue plutôt un danger. Stendhal veut explorer sa propre personne et tenter de se connaître lui-même. Le Larousse du XXe siècle le définit ainsi : « Terme employé par Stendhal pour désigner l’étude analytique faite par un écrivain, de sa propre individualité ».
Wikipedia

« Étude analytique de sa propre individualité »… c’est vrai. Je m’analyse sans cesse. Ce que je fais ou ne fais pas. Ce que je dis ou ne dis pas. Ce que les autres disent ou ne disent pas, font ou ne font pas (d’où l’importance des principes et du bon mot, nous y reviendrons). Mais cet égotisme est teinté d’un je-ne-sais-quoi de… disons « communautaire » car ce n’est pas de ma vie que je veux parler, mais de la nôtre.

Je regarde. J’observe. Je suis attentif parce que je sais que ce parfum, ce sourire, cette chaleur, ce vacarme engendreront peut-être un jour une réaction en moi : la preuve d’un instant véritablement vécu. Je suis à l’affut du moindre détail qui, peut-être, rendra si spécial ce moment que nous vivons. Ensemble, unis. Un moment privilégié entre deux êtres humains. Vous ignorez ce que nous sommes en train de vivre. Mais je suis là pour m’en rappeler. Une symbiose éphémère.  Ce qui est formidable, c’est que ça m’arrive même avec des gens que je croise dans la rue : un regard dans le tram, le sourire d’une serveuse, l’odeur d’un magazine, autant de petits moments qui donnent un sens à ma vie. Ces « coups d’un jour » ne savent peut-être pas que j’existe. Et ce n’est pas plus mal, ça ôterait le charme du moment. Je veux juste avoir conscience de cet instant. Pour essayer d’en rendre compte plus tard, d’une manière ou d’une autre.

Il m’arrive parfois de penser que ça pourrait me rendre fou, vraiment. Mais, en en ayant conscience, je fais attention et je me contrôle. Et je ne garde que le meilleur. La vie est trop courte pour se prendre la tête sur des conneries. Bon, bien sûr, c’est un mensonge éhonté (c’est tellement gratifiant de se prendre la tête) mais je trouve qu’avoir conscience de cet état de faits (la vie, c’est effectivement comme une boite de chocolats… mais il faut admettre que certains laissent un sale goût dans la bouche) le rend plus facile à vivre. Et donc on en arrive à ne plus voir le mal partout, à ne plus moins se manger le cerveau pour des trivialités et à profiter des vrais moments de vie. Ceux qui vous font avancer.

Nous ressentons tous ce sentiment un jour ou l’autre. Vous savez, l’odeur du bois chaud de votre chambre de gosse, la sensation d’une couette moelleuse, le parfum de la crème de visage que mettait votre grand-mère et sa dissipation au fur et à mesure que vous vous endormez…  Quelque chose qui refait surface sans aucune raison, si ce n’est celle du souvenir lui-même. La conscience de l’instant passé. Le souvenir d’un calme réconfortant. Marquer cette page… Pareil.

Perdre le souvenir de ces moments me terrifie. D’où ce texte. D’où les photos. D’où cette utilisation du web dans ce qu’il a de plus communautaire. Ce site constitue un autel à ces moments. Il est évident que chaque photo me parle à moi plus spécifiquement mais je pense que quelque chose ici pourrait vous replonger dans votre propre mémoire, dans vos souvenirs dans ce qu’ils ont de meilleur.

Ce site me permet de rassembler les « marque-pages » de ma vie. Il me permet de retrouver, revivre certaines des sensations énoncées plus haut. Et si je les ressens, peut-être les ressentirez-vous aussi.

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