the-crow-serendipity

J’ai découvert ce terme dans les dernières pages de la bande dessinée de The Crow par James O’Barr en 1994. Et ce n’est qu’en 2007, alors que je m’apprête à passer le CAPES de documentaliste, que j’en découvre le sens.

Mais ça n’est qu’en 2010 que je réalise que la sérendipité a toujours guidé ma vie.

 

Je vais laisser Wikipedia parler pour moi.

 

 

 

 

 

> Extraits tirés de la page Wikipedia

Vertu poétique du mot serendipity

Dans La Peau de l’ombre (2004), Joël Gayraud consacre un chapitre au terme serendipity, envisagé du point de vue, non de l’historien des sciences ou du scientifique lui-même, mais du poète et du philologue :

«Il est certains mots étrangers qui s’imposent à notre mémoire par leur seule vêture sonore, mais dont la signification continue de nous rester opaque, soit que nous ne parvenions pas à la fixer en nous, soit que nous n’entreprenions rien pour la rechercher. Ainsi en fut-il longtemps pour moi du mot anglais serendipity qui sonnait comme un composé bizarre de sérénité et de compassion. Des années durant, je conservai serendipity dans ma tête, me refusant d’en aller consulter le sens dans le dictionnaire, sans doute par crainte d’être déçu par une définition qui, en un brusque retour au principe de réalité, ruinerait tout le charme des syllabes étrangères. Mais il y a peu de temps, retrouvant ce mot dans un texte et ne pouvant parvenir à en deviner le sens, malgré le contexte et peut-être à cause d’un obscurcissement de l’esprit dû à ce charme même, j’ai dû me résoudre à recourir au dictionnaire. Quelle n’a pas été alors ma surprise de découvrir qu’il n’existe pas de terme français correspondant à serendipity et qu’il convient de le rendre selon le contexte par au moins deux périphrases : « découverte heureuse ou inattendue » ; « don de faire des trouvailles ». Ce mot désigne donc aussi bien l’objet trouvé si cher aux surréalistes, que la faculté, par eux développée au plus haut point, de découvrir ces objets. Et la révélation de cette double signification sonna en moi comme une trouvaille qui en redoubla le charme phonétique et, déjouant mes craintes, échoua à l’effacer.»

 

Plus d’infos

Le mot sérendipité est en français un néologisme dérivé de l’anglais « serendipity », un terme introduit par Horace Walpole le 28 janvier 1754 dans une lettre à son ami Horace Mann, envoyé du roi George II à Florence, pour signifier des« découvertes inattendues, faites grâce au hasard et à l’intelligence ».

Il fait mention d’un conte persan, Les Trois Princes de Serendip, publié en italien en 1557 par l’éditeur Vénitien Michele Tramezzino et traduit dès 1610 en français. Serendib ou Serendip était l’ancien nom donné au Sri Lanka en vieux persan.

L’histoire raconte que le roi de Serendip envoie ses trois fils à l’étranger parfaire leur éducation. En chemin, ils ont de nombreuses aventures au cours desquelles ils utilisent des indices souvent très ténus grâce auxquels ils remontent logiquement à des faits dont ils ne pouvaient avoir aucune connaissance par ailleurs. Ils sont ainsi capables de décrire précisément un chameau qu’ils n’ont pas vu : « J’ai cru, seigneur, que le chameau était borgne, en ce que j’ai remarqué d’un côté que l’herbe était toute rongée, et beaucoup plus mauvaise que celle de l’autre, où il n’avait pas touché ; ce qui m’a fait croire qu’il n’avait qu’un œil, parce que, sans cela, il n’aurait jamais laissé la bonne pour manger la mauvaise ». Walpole précise dans sa lettre que les jeunes princes font simplement preuve de sagacité, et que leurs découvertes sont purement fortuites.

Ce conte a inspiré le Zadig de Voltaire, où le héros décrit de manière détaillée une chienne et un cheval en déchiffrant des traces sur le sol ; il est accusé de vol et se disculpe en refaisant de vive voix le travail mental effectué.

Quel adjectif correspondant en français ?

L’anglais dispose de l’adjectif serendipitous, très courant. Le mot est attesté en français dès 1954 dans le Vocabulaire de la Psychologie d’Henri Piéron. On pourrait aussi avoir « sérendipiteux » (une découverte sérendipiteuse), « sérendipitant » (proposé par Jean-Michel Briet) ou « sérendipien » (proposé par Sylvie Catellin du CNRS, une découverte sérendipienne). D’usage plus courant est l’adjectif fortuit, du latin fors, le hasard, d’où vient aussi le substantif fortune, bien que recouvrant une autre notion.

La veille informationnelle par la sérendipité

Le zapping

L’utilisation de la technologie, liée à la consommation des médias, est source de sérendipité : télécommande de la télévision, changement au hasard des stations de radio ou parcours de page en page sur internet. En 2005, trois chercheurs australiens, LEONG Tuck W, VETERE Frank et HOWARD Steve, ont fait une étude sur l’impact du shuffling, à partir du livre de J. McCarthy et P. Wright (Technology as Experience). Ils mettent en valeur la sérendipité et l’apprentissage qu’ont les individus à interagir avec la technologie. Certains fabricants comme Apple ont inséré dans leur produit (iPod), un procédé qui choisit au hasard des morceaux de musique sur une liste préétablie (bibliothèque musicale). Selon leur étude, le shuffling provoque chez les interviewés, l’impression de surprises auditives « comme dans une caverne d’Ali Baba ». Ces expériences ressenties reposent sur des aspects sensuels, émotionnels, de volition et d’imagination de dialogue.

Ce procédé provoque ainsi plaisirs et dépendances car il met en relation le consommateur avec une découverte non anticipée et infinie.

L’heure de l’ordinateur et de l’hypertexte

Avec le développement des T.I.C (Technologies de l’information et de la communication), la sérendipité a pris une dimension toute particulière dans la recherche documentaire actuelle sur ordinateur et particulièrement sur Internet. JF Smith en se basant sur les travaux de K. Merton invente le terme de « sérendipité systématique » lorsqu’un chercheur utilise la découverte de la connaissance à partir de l’outil informatique. Les chercheurs d’information n’hésitent pas à naviguer, voire à se perdre au sein des liens hypertextes pour trouver au hasard d’une page, au détour d’un lien, au cœur d’un nœud, une information leur étant utile… alors même qu’ils ne savaient pas qu’ils la cherchaient vraiment. Ainsi la notion de sérendipité prend ici tout son sens comme « Découverte, par chance ou par sagacité d’informations qu’on ne cherchait pas exactement ».

La fugacité de la sérendipité

Le problème qui se pose alors est la gestion de cette sérendipité. Dans le domaine de la recherche documentaire, la sérendipité est encouragée. Cependant, une des caractéristiques clé de la sérendipité est sa fugacité, il est quasiment impossible de retrouver le chemin qui a conduit à l’information sérendipienne (il nous reste à créer l’équivalent de l’adjectif anglais usuel serendipitous). Il faut l’enregistrer immédiatement et l’indexer en clair systématiquement.

La prise de conscience du besoin d’information

André Tricot, spécialiste de psychologie cognitive, met en avant « la prise de conscience du besoin d’information ». Il s’interroge sur les conditions et les facteurs qui poussent au besoin d’information. Pour que le processus de sérendipité se mette en place, il est nécessaire que l’acteur humain ait des connaissances préalables (méta-connaissances) et qu’il ressente une insatisfaction cognitive, c’est-à-dire qu’il doute sur le choix de sa décision. A. Fergusson, dans un article paru dans la revue Forbes en 1999, se réjouit de l’avancée des technologies, dont internet, fournissant de plus en plus d’informations. Toutefois, il met en garde sur les choix que tout individu doit réaliser. Le problème n’est pas tant ce que l’on cherche ou ce que l’on trouve mais la façon ou les chemins qui nous mènent à cette découverte. La recherche par sérendipité nous permet de prendre conscience des itinéraires pas nécessairement linéaires pour trouver une solution.

Selon moi, vous pouvez arrêter la lecture ici. Mais si vous voulez en savoir encore plus…

La sérendipité : concept interdisciplinaire

Peu à peu, la sérendipité devient un concept éclairant du travail transdisciplinaire et interdisciplinaire en général, du travail collaboratif en particulier, ainsi que des processus de créativité à l’œuvre dans la formation du savoir et de l’intelligence collective. Il est aussi mobilisé consciemment ou non dans de nombreuses disciplines telles que : littérature, anthropologie, paléontologie, physique, chimie, économie, management, sciences cognitives, sociologie.
Une branche de la sociologie, la sociologie de l’espace urbain, représentée par Arnaldo Bagnasco introduit la sérendipité dans son analyse. L’espace urbain fournit un cadre d’espacement social avec des interactions de communications. La sérendipité est le révélateur des synthèses personnelles et imprévisibles de lieux urbains. Elle est pour l’auteur composée d’éléments qui ont l’apparence de l’antithèse et qui, en réalité correspondent à la révélation profonde de l’Homme, comme l’accessibilité et l’intimité, la ressemblance et la diversité.

L’happenstance : être là au bon moment

Bien souvent la sérendipité est donnée comme synonyme de la chance, de fortuité, de coïncidence ou de hasard. Par exemple, Ambroise Paré, médecin de guerre des troupes françaises au XVIe siècle, s’aperçoit durant le siège de Turin que les blessés par les coups de feu se rétablissent mieux lorsqu’on ne verse pas sur la plaie de l’huile de sureau ébouillantée. Or cette pratique était celle qui était préconisée jusqu’alors. Et cette découverte, il l’a faite précisément parce qu’il était à court d’huile de sureau.

Mais, associer la sérendipité au hasard ou à la surprise n’apporte rien à sa compréhension, sinon son côté pittoresque. Le hasard n’intervient qu’à titre mystificateur. La sérendipité est aussi l’œuvre de l’action humaine. Dans son approche moderne, et particulièrement dans les laboratoires, la notion de hasard a complètement disparu dans l’attribution des caractéristiques de la sérendipité, remplacée par la sérendipité expérimentale ou procédure d’essais et erreurs. Ainsi les travaux de Paul Ehrlich ou de Marie Curie sont considérés comme des recherches sérendipitantes. C’est leur ouverture à l’expérience, à la nouveauté, aux idées originales, différentes et inhabituelles qui leur ont apporté cette réussite.

Ehrlich testa un par un les composants arseniques organiques pour soigner la syphilis. Et il ne trouva la solution, « la balle magique », l’arsphénamine (Salvarsan), qu’au bout du 606e essais d’un travail titanesque. Royston Roberts en conclut à la nécessaire séparation entre la sérendipité, qui garde sa partie de hasard, et la pseudo-sérendipité qui donne un résultat aléatoire à partir d’une démarche de recherche volontaire et organisée.

Certains auteurs comme Denrell, Fang et Winter introduisent la notion d’effort dans leur définition de la sérendipité. Or, bien que l’effort, le travail acharné et la ténacité peuvent certainement conduire à des résultats surprenants, il n’en demeure pas moins que la sérendipité apparait également sans effort physique prononcé. Par exemple, Galilée ou Newton étaient au bon endroit, au bon moment sans effort physique important.

Les Anglo-saxons ont un terme précis pour cette « chance » et cette « surprise » de se retrouver au bon endroit au bon moment. Ils l’appellent l’happenstance. Florian Mantione illustre ce terme dans son livre Mais qui se souvient d’Érostrate ?. Né en Tunisie puis émigré en France, Florian Mantione revient à Tunis quelques années plus tard en compagnie de sa famille. Là, il veut faire voir sa maison natale. Placé devant celle-ci, un homme se rapproche d’eux et lui demande : « Monsieur, est-ce que vous êtes à la recherche de vos souvenirs ? ». Par indices, il avait vu juste. À quatre jours de son anniversaire, il l’invita à manger chez lui car il s’agissait du nouveau propriétaire, Hédi Balegh. Homme bien connu en Tunisie : enseignant, écrivain, journaliste, animateur de télévision et professeur agrégé de français. Or, quelles que fussent ses qualités professionnelles, l’happenstance s’est réalisé dans ce cadre d’interaction sociale et cognitive parce qu’il y avait fusion de disponibilité, de convivialité et de chaleur humaine. Ces éléments là sont fortement porteurs en sérendipité.

L’inflexion et la sagacité

Jean-Louis Swiners présente ce concept sous l’angle du hasard malheureux et de l’inflexion dans la gestion de sa recherche. S’il insiste pour définir la sérendipité comme étroitement liée au malheur, cette notion sert plus à mettre en exergue les faveurs du résultat nouveau plutôt qu’à une appréciation objective de la découverte. La sérendipité est « la compréhension instantanée et l’exploitation concomitante des conséquences heureuses et inattendues d’un concours imprévu de circonstances malheureuses. Il reconnait à la sérendipité, la flexibilité mentale « à reconnaître immédiatement que ce qu’on a trouvé a plus d’importance que ce qu’on cherchait et à abandonner son ancien objet de recherche pour se consacrer au nouveau ».

Cependant, la sérendipité n’est pas redevable à la simple incertitude ou au caractère accidentel et malheureux des circonstances. La sérendipité se manifeste parce qu’il y a un être humain doté de certaines qualités, dont la sagacité, le flair, la vigilance (alertness) et la perspicacité qui agit. On le nomme inventeur, aventurier, créateur ou traqueur d’indices. Il reconnait les anomalies, les différences, les inconsistances et les exceptions qui n’obéissent à aucune règle ou loi standard. Selon un dicton connu, « des milliers de gens avaient déjà vu tomber des pommes avant Isaac Newton et aucun n’en avait imaginé pour autant la gravitation universelle ». Selon Paul Valéry : « Il fallait être Newton pour apercevoir que la Lune tombe, quand tout le monde voit bien qu’elle ne tombe pas. ». Faut-il en conclure au génie ou au divin ? Pas forcément selon le poète Wilhelm Willms (« God speaks »)

All things are meaningless accidents, works of chance unless your marveling gaze, as it probes, connects and orders, makes them divine…
Toutes choses ne sont qu’accidents sans signification, œuvres du hasard, à moins que votre regard émerveillé qui les sonde, les connecte et les ordonne, ne les rende divines…

Selon Yoshio Bando, créateur du nanothermomètre, « seul un chercheur avec une expérience et une connaissance appropriées peut voir au travers d’un phénomène. La capacité du chercheur doit être jugée à sa capacité à voir au travers des choses. ». Comme le note, également la revue Science en 1963, la sérendipité répond à un critère de méthode. « En général, le chercheur n’obtient guère plus de ses expérimentations que ce qu’il a pu y insérer par les moyens de la pensée, de la préparation, de la performance et de l’analyse. La sérendipité est un bonus pour le scientifique préparé et perceptif, ce n’est pas un substitut pour un travail acharné ». Les personnes qui sont les plus expérimentées en sérendipité (sans le savoir bien souvent), sont celles qui font preuve de curiosité constructive et celles qui se sentent gênées face à un manque de compréhension d’un phénomène. Comme le rappelle le chercheur A. Storr, il faut se retrouver dans ces cas là dans l’inconfort de la dissonance cognitive. Tous les jours, nous sommes confrontés à une masse éparpillée d’informations. Le rôle du sérendipitant est de sélectionner parmi celles-ci celles qui sont les plus importantes et de les interpréter.

La praxéologie et l’abduction

Certains chercheurs contestent à Horace Walpole la pertinence de ses exemples pour définir la sérendipité. Ils lui reprochent d’utiliser un raisonnement déductif similaire aux exploits littéraires de Sherlock Holmes. Dans sa lettre, Horace Walpole finit en déclarant, « un des plus remarquables exemples de la sagacité accidentelle provient du Lord Shaftsbury, qui, arrivant au diner du chancelier Lord Claredon, découvrit le mariage entre le duc de York et madame Hyde, en remarquant le respect que la belle-mère entretenait auprès de sa belle-fille ». Cet exemple est éloigné de la découverte par hasard aboutissant à la création d’un nouveau produit. Mais il est conforme à la sérendipité, dans la mesure où il repose sur un principe de découverte d’indices, procédé mental indispensable à la découverte. Thomas H Huxley parle, dans ce cadre de figure, d’un procédé littéraire et scientifique dénommé la prophétie rétrospective.

En fait, la sérendipité procède en trois temps. Dans un premier temps, elle procède d’un raisonnement praxéologique, c’est-à-dire d’une logique déductive. On ne peut comprendre la sérendipité que parce qu’elle émane de l’action de l’individu. C’est parce que l’être humain agit, fait des expériences, des rencontres, etc. qu’il aboutit à des conséquences ou à des résultats particuliers. L’être humain agit parce qu’il a un but, même si celui-ci se modifie en cours de route. La sérendipité nait de l’action. Peu importe d’ailleurs les raisons de la motivation. Pour certaines inventions, comme le Polaroid, l’origine de la motivation provient d’une réflexion de la fille d’Edwin Land. Âgée d’à peine plus de 3 ans, la petite fille demanda à son père pourquoi elle devait attendre plusieurs jours avant de voir le résultat de la photo prise par son père. L’inventeur piqué au vif se lança alors dans ses recherches. Sans cette petite fille, est-ce que le développement de la photo instantanée aurait émergé ?

L’observation, l’approche empirique ou l’inflexion de celui qui découvre la sérendipité procède de l’abduction, deuxième étape de la sérendipité. L’approche abductive conduit à émettre des hypothèses à partir de l’observation de faits singuliers. Le raisonnement inductif, lui, infère des lois à partir de l’observation répétée de faits expérimentaux. Or, la sérendipité intervient à son origine d’un cas unique. La reproduction peut être réalisée dans la mesure où le chercheur analyse tous les composants de la réalisation du phénomène. L’abduction, elle, recherche des causes, émet des hypothèses, à partir de l’observation de faits isolés et surprenants. Ce n’est que dans une phase ultérieure que l’on peut tester ces hypothèses, si cela est possible, et utiliser l’induction pour en déduire des lois, dans une démarche hypothético-déductive. La répétition rigoureuse d’une première observation, aléatoire, permet d’établir qu’il s’agit d’un fait réel, puis d’en étudier les mécanismes.